ACTE I, SCÈNE IV

DON DIÈGUE

DON DIÈGUE

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !

N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers

Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?

Mon bras, qu'avec respect toute l'Espagne admire,

Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,

Tant de fois affermi le trône de son Roi,

Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?

Ô cruel souvenir de ma gloire passée !

Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !

Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur !

Précipice élevé d'où tombe mon honneur !

Faut-il de votre éclat voir triompher le Comte,

Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?

Comte, sois de mon prince à présent gouverneur,

Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur,

Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne

Malgré le choix du Roi m'en a su rendre indigne.

Et toi, de mes exploits glorieux instrument,

Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,

Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense

M'as servi de parade, et non pas de défense ;

Va, quitte désormais le dernier des humains,

Passe, pour me venger, en de meilleures mains.